Le capitalisme écologique est-il possible ?

Ce texte de Christopher Coyne (« Can Capitalism Ever Be « Green » ? » en version orginale) a été publié originellement le 5 août 2016 sur le site internet de la « Foundation for Economic Education », sous licence Creative Commons 4.0. Nous publions la traduction disponible sur le blog « oratio-obscura », avec l’aimable permission de l’auteur.

« Capitalisme contre environnement : l’avidité peut-elle être verte ? » Ce titre du Guardian reflète la vision habituelle de la relation entre le capitalisme et l’environnement. Selon ce point de vue, le capitalisme et l’environnement sont nécessairement en conflit l’un avec l’autre. La seule façon pour les gens de faire des bénéfices, selon cette logique, est d’exploiter l’environnement et, ce faisant, de causer des dommages environnementaux irréparables. 

Sur la base de ce raisonnement, beaucoup plaident pour la socialisation de la propriété afin que le gouvernement puisse protéger l’environnement des méfaits du capitalisme. Ce point de vue courant est une erreur. L’interaction entre le capitalisme et l’environnement est un jeu à somme positive, car la propriété privée et l’échange mutuellement bénéfique génèrent des bénéfices environnementaux importants.

Les avantages des droits de propriété.

La propriété privée désigne le droit d’utiliser, de contrôler et de tirer des bénéfices d’une ressource, d’un bien ou d’un service. Cela comprend le droit d’utilisation exclusive, le droit de transférer des biens à d’autres et l’application de la loi contre les envahisseurs. Dans ce contexte, la propriété peut se référer aux bâtiments, aux terres à usage agricole, aux forêts et aux zones de pêche. Les droits de propriété présentent trois avantages essentiels. 

Les droits de propriété incitent les propriétaires privés à utiliser les ressources d’une manière qui profite à d’autres. Sur les marchés, un bénéfice indique que les propriétaires ont utilisé leurs ressources d’une manière qui satisfait les consommateurs.

Ensuite, les propriétaires privés sont incités à prendre soin de leur propriété et à la gérer. En effet, les droits de propriété internalisent les avantages et les coûts du comportement des propriétaires. Si les propriétaires font preuve de prudence dans l’entretien de leur propriété, ils en tirent un bénéfice en termes d’augmentation de la valeur de la ressource. De même, si les propriétaires choisissent de laisser leur propriété se détériorer, ils en supportent le coût par la diminution de la valeur de la propriété.

Enfin, les propriétaires sont incités à envisager les conséquences à long terme de leurs actes. Les propriétaires ont droit aux futurs flux de trésorerie liés à leur propriété. Cela incite les propriétaires à veiller à ce que leurs ressources soient utilisées de manière durable. Par exemple, le propriétaire d’un lieu de pêche souhaitera maintenir les stocks à un niveau élevé, car cela permettra de maximiser la rentabilité de la ressource à long terme. Cela se reflète à son tour dans la valeur de la ressource à un moment donné. Si personne ne possède le lieu de pêche, les propriétaires de chalutiers auront tendance à pratiquer la surpêche.

Propriété et environnement.

Une fois que les avantages des droits de propriété sont compris, il devient évident que des droits de propriété bien définis sont essentiels pour maintenir et améliorer l’environnement. 

Il convient d’examiner les incitations qui influencent les propriétaires de biens pour qu’ils prennent soin de ce qu’ils possèdent et qu’ils envisagent les conséquences à long terme de leurs actions. Cette réalité est en décalage avec le nombre de personnes qui considèrent le capitalisme comme étant la recherche de profits immédiats sans tenir compte des conséquences à long terme. L’exemple éminemment parlant des zones de pêche a déjà été mentionné. 

Il existe d’autres exemples d’expériences empiriques qui permettent de tester les deux visions concurrentes des droits de propriété et de l’environnement. La diminution de la population d’éléphants en Afrique due au braconnage pour l’ivoire est une préoccupation de longue date. En Afrique, les droits de propriété sur la population d’éléphants varient. Dans certaines régions, les éléphants peuvent appartenir à des particuliers, tandis que dans d’autres, ils sont propriété collective. Une étude empirique sur les facteurs qui influencent la population d’éléphants en Afrique a montré que « les pays qui ont des systèmes de droits de propriété ou des programmes communautaires sur la faune sauvage [qui créent des revendications résiduelles sur le bien-être des éléphants] ont des taux de croissance de la population d’éléphants plus rapides que les pays qui n’en ont pas ».

Ces conclusions sont parfaitement sensées si l’on considère les incitations créées par les droits de propriété. Des droits de propriété clairement définis incitent les propriétaires à prendre soin de leurs biens, ce qui se traduit par une croissance plus rapide de la population d’éléphants dans les zones qui permettent la propriété privée.
 

L’absence de propriété privée, en revanche, conduit à la tragédie des biens communs, par laquelle un système de ressources communales entraîne une surutilisation, car chaque individu considère ses propres coûts et avantages tout en négligeant les implications plus larges de ses actions. En effet, lorsqu’il n’y a pas de droits de propriété sur les éléphants, ceux-ci sont simplement considérés comme des nuisibles (ils n’apportent que des coûts aux agriculteurs), et ils sont donc abattus.

Les droits de propriété permettent également aux organisations à but non lucratives de s’engager dans la conservation de l’environnement. Par exemple, parmi d’autres programmes, le Sierra Club collecte souvent des fonds pour acheter des parcelles de terre qu’il entretient ensuite ou qu’il cède à d’autres entités qui conservent les terres. Cela illustre l’éventail des possibilités qu’offre la propriété privée pour la conservation et l’amélioration de l’environnement.

Plus généralement, l’innovation qui naît dans une économie libre apporte de nombreux avantages. Elle entraîne moins de gaspillage car il y a une incitation à économiser sur l’utilisation des ressources pour réduire le coût de production. Prenons, par exemple, la canette de boisson traditionnelle qui est fabriquée en aluminium. La première génération de canettes, introduite il y a plus d’un demi-siècle, pesait trois onces chacune ; les canettes actuelles pèsent environ une once. Ce changement était dû à des innovations dans les techniques de production qui permettaient aux producteurs d’utiliser moins d’aluminium tout en produisant une canette plus solide.

L’innovation présente également des avantages considérables à long terme. Au fil du temps, des progrès ont été réalisés dans le domaine de l’assainissement et de la médecine, qui ont permis de réduire, et souvent d’éliminer purement et simplement, de nombreux polluants qui frappaient les populations dans le passé. Ces avantages à long terme sont généralement négligés dans les discussions sur l’environnement, alors même que les améliorations du niveau de vie dues à l’innovation et à l’augmentation de la richesse sont vraiment stupéfiantes.

Implications économiques pour l'environnement.

Il est essentiel d’apprécier les avantages des droits de propriété pour comprendre la relation entre le capitalisme et l’environnement. Contrairement à l’opinion publique, les marchés et l’environnement ne sont pas en conflit l’un avec l’autre. En revanche, des droits de propriété bien définis sont importants non seulement pour préserver l’environnement, mais aussi pour l’améliorer. 

L’une des principales implications est que, lorsque l’on discute de questions environnementales, il est crucial de commencer par réfléchir aux dispositions actuelles en matière de droits de propriété, ou à leur absence. L’absence de droits de propriété entraîne des dommages environnementaux, car les acteurs privés ne sont pas incités à prendre en compte le coût total de leurs comportements. De nombreux problèmes environnementaux peuvent être résolus en définissant ou en clarifiant les droits de propriété.

Il est également important de rappeler que les améliorations de l’environnement ne se produisent pas dans le vide. Il existe une corrélation positive entre, d’une part, la croissance et le progrès économique en général, et d’autre part, une meilleure qualité de l’environnement. Comme l’écrit Terry Anderson, économiste de l’environnement :

La corrélation entre la qualité de l’environnement et la croissance économique est incontestable. La comparaison de l’indice de durabilité environnementale de la Banque mondiale avec le produit intérieur brut par habitant de 117 nations montre que les pays riches préservent mieux la qualité de l’environnement que les pays pauvres. En effet, toute étude systématique des indicateurs environnementaux montre que l’environnement s’améliore à mesure que les revenus augmentent.

Il existe des raisons théoriques de croire que le sens de la causalité va de la croissance économique à l’amélioration de la qualité de l’environnement.

De plus, une plus grande richesse offre aux citoyens la possibilité de se soucier davantage de l’environnement. C’est précisément parce que les citoyens des pays riches n’ont pas à se soucier des maladies et autres polluants qui existaient il n’y a pas si longtemps qu’ils peuvent, au contraire, se préoccuper des problèmes environnementaux actuels. Les personnes qui s’inquiètent de la provenance de leur prochain repas, ou qui doivent craindre de mourir de la malaria, ne sont pas en mesure de se préoccuper des espèces menacées ou de la hausse potentielle du niveau des eaux.

Contrairement aux croyances populaires, les meilleurs résultats environnementaux ne peuvent être obtenus que par des droits de propriété privée bien définis et bien appliqués. Tout comme les individus, l’environnement a lui aussi beaucoup à gagner d’un système capitaliste.

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